Infrastructure, 2002

Betacam numérique, PAL, noir et blanc, son


L’œuvre de Rachel Reupke consiste à établir des courts-circuits entre image photographique analogique et image photographique numérique, entre image fixe et image en mouvement. Toutes ces œuvres organisent des principes de navigation entre ces types d’images ambigües. En forme de boucles temporelles, elles oscillent entre l’exténuation de leur forme et l’expansion de leur durée. Tout en faisant référence au cinéma dont elle utilise le langage (maîtrise de la composition de l'image, puissance d'évocation de la bande son, éléments fictionnels, effets spéciaux) elle s'en distingue cependant par l'utilisation de plans statiques, l'absence de montage et le bouleversement du rapport entre le décor et le personnage.
Avec Infrastructure (2002), œuvre composée de quatre parties, l’artiste met en scène un ensemble de réseau de transport imaginaire, le long d’une vallée des Alpes : un aéroport, une vois ferrée, une autoroute, un port, représentés au centre de la scène, alors qu’un flux de trafic ininterrompu traverse l’espace. L’action principale est donnée à lire, à la manière des flux d’actions sur Simcity, en même temps qu’un ensemble d’actions secondaires miniaturisées, fugaces et aléatoires, qui retiennent captive l’attention du spectateur, invité à se livrer à un véritable scanning continu du cadre, à la recherche des motifs secondaires. “ A l’époque d’Infrastructure, je m’intéressais aux techniques des effets spéciaux cinématographiques anciens. A commencer par ceux des premiers tournages de films, à l’époque où les fausses batailles navales américaines de la Guerre Civile étaient réalisées en studio à l’aide de réservoirs d’eau et de maquettes. C’est cette tension entre le visible et l’invisible que je voulais privilégier dans Infrastructure. En m’inspirant des films d’Hitchcock, notamment "North by Northwest" et "The Birds" (des films qui aujourd’hui me rappellent l’œuvre d’un peintre), j’ai construit des images selon les mêmes principes techniques utilisées alors : une combinaison de photographies et de pellicule enregistrée en privilégiant un fini mat. Je me suis servie de ce qui pourrait être employé comme plan d’ensemble au cinéma, avec une durée égale à 3 voire 4 secondes (chaque seconde représentant une part précieuse du budget), et je le diffuse à l’écran pendant 3 ou 4 minutes. Le spectateur peut ainsi réellement examiner et remettre en cause l’image. ” Ici, des échelles différentes de et dans l’image, la confrontation de lieux, de réalités, de temporalités diversifiées, cohabitent au sein même des séquences. La fixité des plans, leur durée (3, 4 minutes) transforment le regard du spectateur en regard de scrutateur expérimenté, invité à discerner les nombreuses ruses de l’image.

Pascale Cassagnau.