Nationalité française
Née en 1963 à Paris (France)
Vit et travaille à Londres (Royaume-Uni)
Biographie
Bibliographie
Liste expositions

Zineb Sedira, « Lore Of The Sea », documentation captée en public à l’occasion de la conférence Vidéo et après, 19 avril 2010, Centre Pompidou, Paris, séance présentée par l’artiste.

Biographie

Zineb Sedira est née en 1963 à Paris et vit à Londres depuis 1986. Elle mène son activité professionnelle entre Londres et Alger.


Elle obtient une licence en pratique critique des beaux arts à St Martins en 1995, suivie d’une maîtrise en médias à la Slade School of Arts et de recherches au département de la photographie du Royal College of Art jusqu’en 2003. Le positionnement consistant à mener une réflexion critique par le biais de la pratique artistique est clairement présent dans son art et dans le parcours professionnel qu’elle construit depuis une dizaine d’années. Son œuvre est exposée dans des sites de prestige, au Royaume-Uni depuis 1997 et au niveau international depuis 1999.


En 2001, sa participation à la célèbre exposition Authentic/ex-centric: Africa In and Out Africa, à l’occasion de la 49ème Biennale de Venise, ouvre une nouvelle ère dans sa carrière. L’exposition, organisée par Olu Oguibe et Salah Hassan, marque les esprits. Zineb Sedira se fait connaître d’un plus large public et fait son entrée sur la scène internationale.


Les grands glissements thématiques qui caractérisent la pratique de Zineb Sedira infléchissent toute son œuvre : que ce soit à travers la symbolique quotidienne, le documentaire ou le métaphorique, il n’y a pas de rupture totale. Certains de ses centres d’intérêt sont issus d’un positionnement autobiographique où elle s’intéresse aux tropes et moments quotidiens de différentiation par les liens familiaux et les récits historiques. Toutefois, sur la période récente, c’est un angle plus large qui est choisi, littéralement, et qui balaie tout un paysage dans un élan cinématographique.


Ses premières œuvres naissent de questionnements sur le corps et la représentation. A l’époque, Zineb Sedira s’intéresse principalement à la dichotomie visibilité / invisibilité du corps féminin qui entre en jeu dans les débats sur l’Orientalisme. La plupart de ses œuvres font référence à des débats parallèles : son utilisation de parties du corps telles que la bouche, les mains ou les yeux est en rapport direct avec l’interdiction de la représentation du corps dans l’islam mais, dans le même temps, recadre les discours féministes occidentaux autour de la femme-objet.


Pour citer un exemple notable de sa production de l’époque, dans Self Portrait or the Virgin Mary (2000), d’élégantes photographies prises en studio la montrent revêtue de l’haïk (le voile algérien), mais le titre de l’œuvre fait référence à la tradition catholique française – le culte voué à la Sainte Vierge et le sacrifice de soi des femmes. Un conflit est ainsi installé entre l’image visuelle et le titre, contraignant tout observateur occidental à remettre en cause sa vision de la condition féminine mais aussi sa perception des femmes arabes et soulignant les ambiguïtés qui entourent les contraintes et les transpositions de la représentation d’une culture à l’autre.


A partir de 2002, Zineb Sedira commence à travailler avec la forme documentaire. Se servant une nouvelle fois de sa famille comme sujet, elle interroge les erreurs de traduction, c’est-à-dire les continuités et les ruptures qui marquent le récit de la vie et du patrimoine d’un être. Ici, l’artiste ne se préoccupe pas de trouver des certitudes mais de s’attarder sur les moments de déstabilisation, de fragmentation entre des générations qui ont du mal à se comprendre, malgré leur proximité et leur amour. Ces œuvres séparent la mécanique du regard et de l’écoute de la narration pour mieux défaire les certitudes culturelles et poser des questions d’Histoire tant prosaïques qu’épiques : des œuvres telles que sa pièce maîtresse Mother Tongue (2002), où le spectateur ne comprend souvent qu’une seule des trois langues parlées, ou Mother, Father and I (2003), où le spectateur ne sait pas exactement si Zineb Sedira, qu’il voit écouter le récit que ses parents lui font de la guerre d’Algérie et de leur fuite vers Marseille, est attentive, émue ou indifférente.


Depuis plusieurs années, Zineb Sedira est à l’affiche d’expositions prestigieuses dans le monde entier : Tate Britain de Londres (2002), première Triennale de l’International Center of Photography (ICP) de New York (2003), exposition PhotoEspaña à Madrid (2004), Centre Pompidou et Hayward Gallery (Paris et Londres, 2005), British Art Show 06, avec une tournée nationale au Royaume-Uni (2006), et d’expositions en solo à la Cornerhouse de Manchester (2004) et à la Photographers Gallery de Londres (2006).


Ses œuvres les plus récentes poursuivent l’exploration de ces thèmes, mais en apportant un trope filmique différent au documentaire, en abandonnant la narration orale comme vecteur de subjectivité au profit d’une confrontation expérientielle avec la matérialité du lieu. D’après Zineb Sedira, cette évolution a pu être provoquée par l’impact d’un retour à Alger en 2002, après douze années d’absence due à la guerre civile. De son propre aveu, cette visite l’a profondément marquée et, depuis, elle retourne souvent en Algérie, qui est devenue sa principale source d’inspiration visuelle.


Saphir et Middlesea, deux narratifs liés, adoptent une stratégie de mise au premier plan de l’ampleur romantique du paysage vu à travers le regard des personnages. L’ambition de ces nouvelles œuvres se concrétise en partie grâce à la décision qu’a prise Zineb Sedira de travailler en vidéo haute définition avec une équipe de tournage et grâce à son aptitude à attirer des financements importants. Saphir et Middlesea mettent l’accent sur une vision poétique et existentielle du paysage par le biais d’une narration cinématographique. Ici, point de figure particulière, comme dans Retelling Histories, avec la mère comme témoin, mais les figures solitaires d’Algériens regardant vers l’Europe. Saphir est centré sur un hôtel du même nom, bâtiment côtier décati où deux personnages ne se croisent jamais. Middlesea ne fait figurer que le personnage masculin, effectuant une traversée à bord d’un navire vide. Dans les deux films, les personnages sont énigmatiques, et la narration économe. Avec la métaphore du paysage, qui se prête à une lecture plus ouverte, Zineb Sedira permet à la forme étudiée de chaque plan de parler des grands de l’Histoire et des choix existentiels auxquels nous faisons face au moment de décider.


 


Rachel Garfield