Sans titre, 2010

Betacam numérique PAL, couleur, son


Réalisée alors que l’artiste était étudiant au Fresnoy (Tourcoing), la vidéo Sans Titre de Neïl Beloufa, met en scène une poignée de personnages en huis clos dans une fastueuse villa algérienne. Le jardinier, la femme de ménage, le propriétaire et le gardien de cette maison sont rassemblés pour croiser leurs souvenirs sur l’occupation des lieux par un groupe de terroristes. Les rôles sont joués par des comédien·ne·s qui explorent les lieux désertés, mais les voix qui leurs sont attribuées et les témoignages qu’elles livrent sont authentiques [1]. Le décor, cependant, est factice et montre la villa reconstituée en studio, faite de carton et de photographies collées. Le trompe-l’œil n’opère pas tout à fait. Au fil du récit, les observations des protagonistes semblent prendre le pas sur la stricte analyse. Ils tentent de reconstituer la tactique des occupants, mais celle-ci est apparemment si bien conçue qu’il est « impossible de penser que des terroristes habitent ici ». Neïl Beloufa détourne les codes de l’illusion cinématographique en jouant avec les principes du décor, du bruitage, du doublage, et dans le même mouvement il fait transparaître les mécanismes des fictions politiques. Dans un cas comme dans l’autre, le désir de croire domine souvent sur l’analyse des faits tangibles. Cette vidéo s’inscrit précocement dans une démarche artistique qui continue, depuis, à assimiler et exacerber les dissonances dans lesquelles nos sociétés sont prises.


Marilou Thiebault, 2020


[1] Conversation avec l’artiste le 12 octobre 2020. Voir également Jarrett GREGORY, « Paris – Neïl Beloufa. All is magic », Mousse magazine, n°31, décembre 2011-janvier 2012, p. 167.