Association Area, 1971

1 Pouce NTSC, 4/3, noir et blanc, son


Association Area est l'enregistrement d'un "exercice quasi-ESP". Vito Acconci utilise ce terme pour des performances conçues comme des expérimentations en laboratoire de la perception, de l'intuition et de la concentration, grâce à l'isolement d'un ou plusieurs sens (l'ouïe, la vue ou le toucher) et la parole.



Au début de la vidéo, Vito Acconci et Mel Waterman se bandent les yeux et se bouchent les oreilles, puis tournent sur eux-mêmes pour brouiller les repères spatiaux qu'ils ont mémorisés. Ils énoncent ainsi partiellement la contrainte qu'ils se sont fixée. Le processus, le but et d'autres conditions de l'expérience menée dans Association Area sont déduits au cours de la lecture de la bande, et notamment dans le décalage entre l'image et la voix off. Pendant soixante minutes, ils se déplacent dans le champ de la caméra, en cherchant à appréhender l'espace et la présence de l'autre de façon intuitive. Ce procédé apparaît dans les déplacements lents et concentrés au cours desquels les deux acteurs ont ponctuellement la même position ou la même posture.



La voix off est un monologue, réalisé après la performance, où Vito Acconci exprime des ordres et des intentions : "Vito, Mel is crouching", "Stand still, Mel !" [1]. L'usage de l'indicatif souligne les informations qui manquent aux protagonistes pour s'imiter, l'impératif marque l'idée d'un contrôle sur soi, sur l'autre ou sur la situation qui n'a pas pu avoir lieu. La bande son apporte une traduction verbale des informations visuelles dont ne disposaient pas les performeurs, ce qui limitait la réalisation du but qu'ils s'étaient fixé : se déplacer dans un espace en s'imitant.



La lecture de cette vidéo est complexe. D'un côté, le spectateur a le sentiment d'être pris comme témoin d'un travail dont les acteurs seraient les seuls bénéficiaires, l'expérience de l'intuition ne pouvant se vivre qu'en première personne. De l'autre, il se sent impliqué par le fait qu'on exige de lui une compréhension par déduction.



Thérèse Beyler



[1] "Vito, Mel est accroupi", "Mel, tiens-toi immobile !".