Turn-On, 1974
1 Pouce NTSC, 4/3, couleur, son
Turn On commence par un très gros plan - presque indéfinissable - de l'arrière de la tête de Vito Acconci. Celui-ci chantonne doucement en bougeant légèrement la tête sur un rythme obsédant, quasi autiste. La tension augmente : il chante crescendo, devient violent et agressif, ses mouvements sont de plus en plus saccadés. Brusquement, il se retourne, haletant, face à la caméra, et son regard torve remplit l'écran : "Now ! I have to face you now. Reveal myself… But you can't take it yet. I have to wait."[1]. Il tourne de nouveau le dos à la caméra et reprend son fredonnement avec une intensité de plus en plus marquée. Ce cycle de retournement-détournement / chantonnement-discours se répète plusieurs fois de suite. Dans ces passages face à la caméra, Vito Acconci aborde certains aspects de son art à travers sa relation au spectateur et confronte l'autobiographique au contexte de sa pratique artistique : "I can talk about her, but maybe you've heard me talk too much about women."[2] Il rejette ses stratégies de création passées : "I've been too abstract, now I can be concrete, no more galleries, no more museums. It's me. I have no conviction anymore. I can't find any reason to do art."[3]
Turn on : allumer, mais aussi allumer quelqu'un. Vito Acconci n'ira jamais aussi loin dans le rapport psychologique brut, dans la violence qu'il met à se jeter sur le spectateur pour lui lancer dans un paradoxe exacerbé : "I'm waiting for you […] not to be there."[4]
Ce rejet du spectateur et cette violence marquent la crise de ce rapport de face-à-face qu'il a construit grâce à la vidéo. La même année dans Face of the Earth, en couleur aussi et avec un cadrage très serré, le discours est déjà dans une autre direction : il y introduit l'Histoire et la fiction, une mythologie américaine, pour définir d'autres raisons d'agir, de se situer et de situer le spectateur.
Kamel Boukhechem
[1] "Là ! Je dois te faire face maintenant. Me dévoiler... Mais tu n'auras rien tout de suite. Je dois attendre."
[2] "Je veux parler d'elle, mais tu m'as peut-être trop entendu parler des femmes."
[3] "J'ai été trop abstrait, maintenant je peux être concret, plus de galeries, plus de musées. […] C'est moi. Je n'ai plus de convictions. Je ne peux plus trouver de raison de faire de l'art."
[4] "J'attends de toi [...] que tu ne sois pas là."