Titus Andronicus /Iphigénie, 1969
Bande vidéo analogique numérisée
4/3, noir et blanc, son
15 min 10 s
L'action Titus-Iphigénie s'est déroulée à Francfort-sur-le-Main les 29 et 30 mai 1969. Elle tire son nom des pièces Titus Andronicus et Iphigénie en Tauride, dont des extraits sonores sont diffusés durant son déroulement. L'action a lieu sur une scène de théâtre, au fond de laquelle est placé un cheval. Joseph Beuys apparaît vêtu d'un manteau de fourrure, qu'il enlève rapidement : il imite alors le vol de l'oiseau, fait sonner deux cymbales d'airain, émet des sons gutturaux amplifiés par un microphone, crache de la graisse, donne du sucre à manger au cheval, etc.
La compréhension de l'action implique une connaissance des pièces lui donnant son titre : si ces deux pièces traitent du thème de la vengeance, le final particulièrement sanglant de Titus Andronicus contraste avec la fin heureuse d'Iphigénie en Tauride, et permet de voir dans leur association une invitation "au passage du chaos à l'ordre, de la notion de sacrifice à celle de renaissance [1]" – thèmes abondamment traités par Joseph Beuys.
L'idée d'organiser le désordre, de passer de l'informe au cristallin, est le principe même de la sculpture de Joseph Beuys. Il est évoqué durant l'action par plusieurs oppositions : la graisse et le sucre, les bruits effectués par l'artiste et le son des cymbales, etc. La notion de renaissance fait quant à elle écho à l'épisode du sauvetage de l'artiste par les Tartares, dont la région d'origine – la Crimée –correspond géographiquement à la Tauride d'Iphigénie. L'artiste, en s'associant par la fourrure et les imitations d'oiseau à un animal, évoque les transformations des rites chamaniques tartares comme la substitution in extremis d'Iphigénie par une biche sur le bûcher qui lui est destiné. L'action serait alors l'image d'une renaissance générale par l'acceptation d'une animalité positive et perdue.
Philippe Bettinelli