Artists propaganda I (New York), 1976
U-matic, NTSC, couleur, son
Dans le New-York des années 1970, Jean Dupuy devient l’un des principaux organisateurs de manifestations artistiques collectives. Si celles-ci prennent dans un premier temps la forme d’expositions, elles se transforment rapidement en soirées regroupant de nombreux artistes performers. Jean Dupuy en organisera parfois la captation vidéo : à sa demande, Soup and Tart fut ainsi filmé par Babette Mangolt. En 1976 et en 1977, Jean Dupuy propose à une vingtaine d’artistes de traduire en vidéo le mode opératoire de ces soirées performances, les laissant disposer selon leur volonté d’un temps de vidéo prédéterminé.
Les propositions des différents artistes sont particulièrement hétéroclites, toutefois quelques tendances s’esquissent. Nombreux sont les artistes dont les interventions reposent plus ou moins directement sur un jeu avec le langage : que ce soit par la répétition (John Giorno, Les Levine), par l’évocation de langues inventées (Lucio Pozzi) ou par le recours à un en deçà du langage, de l’ordre du bruit ou de la simple onomatopée (Tony Moscatello, Jana Haimsohn). Plusieurs interventions semblent par ailleurs directement marquées par des considérations féministes : notamment celle de Lil Picard, jouant de la flûte avec un vibromasseur, mais surtout celle de Martha Wilson, s’appliquant du rouge à lèvre alors que des témoignages de victimes d’agressions sexuelles sont diffusés en off. Certains artistes enfin s’appuient directement sur le potentiel de surprise ou de gag qu’offre le medium vidéo : Michael Smith joue d’un cadrage à l’entrejambe pour suggérer l’imminence d’un acte exhibitionniste qui finira en queue de poisson, alors que Kit Fitzgerald et John Sanborn passent la main derrière un poste de télévision, donnant par un trucage extrêmement simple l’illusion qu’ils passent dans le poste, y font entrer des objets, ou y allument une bougie. Jean Dupuy semble quant à lui jouer la carte de la mise en abîme, et évoque devant la caméra un dispositif de prise de vue bien plus ancien – le perspectographe d’Albrecht Dürer – en reproduisant à l’aide d’Olga Adorno une gravure de l’artiste montrant l’appareil en action.
Philippe Bettinelli