Bar time, 1975

U-matic, NTSC, couleur, son


Prendre l'espace d'un monologue dans sa durée sensible, dans un temps absolu et purement subjectif. Suspendre dans le tout de l'histoire le détail d'un tableau vivant, la table d'un bistrot où s'anime et traverse le flux, la liquidité d'une voix toujours hors-cadre, hors-monde. Dennis Oppenheim saisit le creux du langage et non son contenu, le creux du cendrier comme un paysage dévasté dans lequel se verse ce temps indéfini (figure du creux qui est largement développée tout au long de son oeuvre); il saisit entre les mots, fugitivement, le vide et le silence. Méticuleusement, il s'approprie le geste de la main qui dans sa répétition matérialise l'instant obsédant. Au fur et à mesure que la parole se délie, au fur et à mesure des enchaînements musicaux, l'image figure des mutations internes, des glissements, des transparences et surimpressions. L'image s'opacifie, acquiert un volume, une densité, fait le récit d'un passage du creux au plein, de l'absence à l'omniprésence, passage d'une énergie de l'homme à son environnement, transferts entre les éléments qui se détachent de leur fonction première et se redéfinissent dans un ailleurs, entre le langage et l'image.



Stéphanie Moisdon