Bits, 1977

1 Pouce NTSC, couleur, son


Bits est une peinture électronique créée par la transformation de l'enregistrement d'un paysage au moyen d'un synthétiseur. Dans un flux rapide se succèdent un grand nombre de compositions que le spectateur perçoit en un court instant sans pouvoir y revenir ni les mémoriser, si bien que ce glissement de séquence en séquence est comme une grande fresque de couleurs claires et vives sur fond blanc.


Les arbres et branchages de ce panoramique sont transformés par le cadrage qui les fragmente et par les variations de la luminance. Lorsqu'elle est forte, les contours et les formes s'estompent, les objets perdent leur matérialité et leurs textures, et sont convertis en petites zones colorées sur des écrans pâles. Un jeu rapide de hausse et de baisse de la luminance fait apparaître et disparaître les fins rameaux d'une séquence, comme dans un clignotement. Le paysage est également transfiguré par l'intervention de la solarisation, de la saturation des couleurs et des effets de textures qui ne réfèrent pas à la matière enregistrée. Les branches d'arbres deviennent par exemple des zones oblongues dans l'écran, horizontales ou verticales, dans lesquelles se juxtaposent et se mélangent des bruns, un vert vif et un rouge. Puis des moirés et des illusions de liquides et de solides se succèdent dans une logique qui ne réfère plus au paysage, ni à la peinture, mais à la palette vidéo. L'oeuvre conserve pour trace principale de l'enregistrement initial les mouvements de la caméra.


Dans ce registre formel se glissent quelques séquences hétérogènes, qui présentent de fines grilles et des effets de tissus légers. De même que les mouvements de la caméra conservent la trace de cette promenade visuelle dans le paysage, l'évocation du tissu écossais est un élément anecdotique, dont le spectateur ne peut cerner le référent, qui appartient à la petite histoire inconnue de l'oeuvre.


Bits fait partie de Selected Works I, titre sous lequel l'artiste a rassemblé des oeuvres de 1975 à 1979, dans lesquelles l'expérimentation des techniques vidéo était orientée vers la création d'effets picturaux. Dans cet ensemble Bits, qui rappelle la peinture expressionniste abstraite, se caractérise par le flux particulièrement fluide des séquences, par opposition à la densité des images de couleurs intenses et à la composition formelle mathématique de Windows (1978), aux évocations et aux sentiments créés dans Mirror Road (1975-1976).



Thérèse Beyler