Videograms, 1980 - 1981

U-matic NTSC, noir et blanc, son


Videograms est une suite de séquences numérotées, les numéros apparaissant avant chaque séquence de façon aléatoire. La structure de cette bande est celle d'un recueil de Haïku. La surface électronique est utilisée comme une surface de transformation. Le visible, ici un réseau de fibres électroniques modelées par un synthétiseur Rutt-Etra, représente par intermittence le dedans de la pensée et le dehors sensible. Un délire absolument raisonné, saisi en ses moindres replis, se déroule comme la conscience des mouvements et des emboîtements de la lumière dans les choses et dans la pensée, de la pensée dans l'espace, de l'espace dans les maisons, des hommes dans la rue, du son dans une pièce, etc.


Le texte descriptif adhère si fortement à un mouvement de conscience transversal et sinueux que les plus grandes discontinuités le cisaillent de l'intérieur, alors qu'il continue toujours d'avancer encore et encore, dans l'inconnu, dans l'infini, dans ce qui passe par dessus l'oubli nécessaire à chaque pas. Au fur et à mesure, les sens littéraux se chassent les uns les autres pour apparaître chacun comme unique et irréductible.


Gary Hill semble nous faire pénétrer entre l'action extérieure et la réaction intérieure, entre l'action mentale et la réaction physique qu'elle enclenche ; on découvre un monde étrange dont le vocabulaire est inventé au fur et à mesure que le temps s'écoule ; les expressions sont inouïes, elles ont été appelées parfois "mots-images" ; des images du dehors invaginé dans le dedans, si l'on veut. Le noir et blanc, la viscosité des déplis visuels le long de la parole laissent deviner, au fond du désordre le plus pur, une cohésion dans le non-rapport du sensible à l'intelligible. C'est l'extrême attention de la pensée, sa force d'accroche continue, qui tend l'immatériel de façon aussi incisive. L'expérience est tout autant scripturale que sculpturale (sculpture de fréquences mentales et de fréquences électroniques).




Paul-Emmanuel Odin