Automne (Le Mont Analogue), 2000

Couleur, silencieux
1 moniteur de petite dimension
1 projection
2 béta Numériques Pal


L’installation Automne (Le Mont Analogue) de Thierry Kuntzel a été achevée en 1997, quatre ans après l’exposition personnelle de l’artiste à la Galerie Nationale du Jeu de Paume, à l’occasion de laquelle ont été présentées les installations Eté (Double Vue, 1989), Hiver (La Mort de Robert Walser, 1990) et Printemps (Pas de Printemps, 1993), regroupées alors sous le titre Quatre Saisons Moins Une. Les saisons y étaient assemblées selon un dispositif en croix, chacune d’elles occupant l’une des branches de la croix (la quatrième branche aurait dû en principe être occupée par la saison automne), tandis que la partie centrale, Moins Une, consistait en une pièce obscure et sonore, passage obligatoire pour circuler d’une saison à l’autre.


Eté (Double Vue) et Printemps (Pas de Printemps) figurent aujourd’hui dans les collections du FNAC, tandis qu’Hiver (La Mort de Robert Walser) a été acquis par le FRAC Nord Pas-de-Calais. L’installation Nostos II a, quant à elle, été acquise par le MNAM à la suite de sa production par le Musée en 1984, venant ainsi s’ajouter aux six bandes vidéos de l’artiste figurant dans le collection, réalisées entre 1979 et 1981. Tandis qu’Hiver (La Mort de Robert Walser) et Printemps (Pas de Printemps) consistent en des triples projections de dimensions moyennes et égales, Eté (Double Vue) se compose d’une projection de très grande dimension faisant face à un simple moniteur. Ce même dispositif caractérise Automne (Le Mont Analogue), ainsi qu’Automne (Eloge de l’Ombre), sorte de variation du Mont Analogue, achevée à Kyoto en 1998 pour l’exposition L’Oeil et l’Esprit présentée au Musée d’Art Moderne de Gumma (Japon).


Les deux vidéos d’Automne (Le Mont Analogue), chacune d’une durée de 5’51’’, muette et en couleur, sont destinées à être diffusées en boucle, de manière synchronisée. La vidéo prévue pour le moniteur consiste en un plan fixe des yeux de Ken Moody, modèle que l’on retrouve dans l’ensemble des saisons réalisées par Kuntzel. Son regard est filmé en très gros plan, ses yeux s’ouvrant puis fixant intensément le spectateur pendant toute la durée de la vidéo, pour ne se refermer que dans les derniers instants. Vers la deuxième minute, un rocher se reflète de manière éphémère, presque imperceptible, dans l’iris du modèle, seul « événement » de l’ensemble de l’installation. Cette image survient comme une sorte de prémonition de la vidéo projetée face au regard de Ken Moody. En effet, celle-ci s’achève sur l’image de ce même rocher, après une « traversée d’un paysage » dont l’effet visuel s’apparente à l’expérience du rêve : une succession de collines et de montagnes, puis de forêts et de sapins, défile progressivement selon un processus très fluide de superposition puis d’effacement des images, tels des effets de rémanence, pour aboutir à l’image rocher. La matière même de l’image est travaillée dans cette œuvre : les couleurs et l’intensité de la lumière varient selon les plans, les tons pastels des montagnes faisant place aux verts éclatants des sapins et, enfin, à l’image plus sombre du rocher ; de même le mouvement ne résulte que de la traversée du paysage et de l’enchaînement des images, elles-mêmes fixes, selon un rythme très calculé, alternant les cadences. L’absence de son incite le spectateur à être particulièrement attentif à ce défilement du temps évoqué par ces images de paysage mouvant, en perpétuel devenir. La sobriété des images et des effets d’Automne (Le Mont Analogue), propre à l’ensemble des installations de Kuntzel, renvoie à certaines pièces de Bill Viola, de même qu’à l’instar ce dernier, des références picturales sont souvent à l’origine de la conception de ses œuvres (Matisse dans l’installation La Desserte Blanche (1980), Poussin dans Eté (Double Vue)). Ainsi, c’est Watteau que Kuntzel a à l’esprit lorsqu’il conçoit l’installation Automne (Le Mont Analogue), au sujet de laquelle il écrit : « Je me souviens – ou j’ai rêvé – d’un accrochage au Louvre à Paris – où le Gilles de Watteau faisait face à L’Embarquement pour Cythère. C’était violent et beau, cette séparation. J’espère en conserver une trace dans l’installation Automne ».



Frédérique Baumgartner