Proposition d'habitation, 1990

Bande vidéo Bétacam SP PAL, numérisée
4/3, couleur, son,
3 min 45 s
Achat en 2000


La vidéo Proposition d'habitation propose un mode d'emploi d'une série de cellules en forme d'habitacles, conçues par l'artiste et destinées à son propre usage. Il s'agit de 6 maquettes à l'échelle 1, de dimensions réduites, bâties d'après la taille et la corpulence de l'artiste. Des espaces géométriques simples, recouverts de peinture ou de plâtre blanc, qui ne revendiquent aucune fonction particulière. Ces maisons blanches immaculées et asexuées invitent son protagoniste unique, Absalon, à l'isolement et à l'introspection.



De dimensions variables entre 4 et 9 m2, chaque "Cellule" (Prototype d'habitation) est différente en apparence mais contient les mêmes éléments de base, minimum vital nécessaire à une seule personne : une kitchenette, un coin travail - une table et une chaise pour écrire, lire et manger -, un placard-penderie qui sert également de lit, une étagère, une douche et un WC.



L'intérieur de ces "cellules" est identique à leur extérieur : des éléments intégrés uniformément blancs. Basés sur des combinaisons entre le cube et le cylindre, le carré et le cercle, ces objets ressemblent à du mobilier mais sont délibérément non fonctionnels.



La vidéo Proposition d'habitation expérimente leur usage. Elle nous montre un homme vêtu de la tête aux pieds d'une camisole blanche se déplacer dans cet univers ordonné, rigide et silencieux. Le protagoniste de la bande vidéo utilise son corps, le plie et le déplie, pour faire l'expérience de ces objets-mobilier. On le voit d'abord s'allonger dans un demi-cylindre qui lui sert de lit, ensuite entrer dans un carré qui évoque un coin-toilette, passer la tête dans un cylindre qui ressemble à un puits, pour enfin s'asseoir sur un demi-cylindre "fauteuil". L'architecture offre des résistances à son corps. Elle lui dicte certaines postures, lui indique des parcours, le contraint par sa rigidité. Le corps est ici mis à l'épreuve : il doit se moduler, s'adapter à l'astreinte de ces volumes.



Les gestes quotidiens et banals en sont légèrement perturbés, rendus ainsi inattendus et illogiques. Le spectateur est confronté à des comportements qui oscillent entre l'ordinaire (le familier) et l'extraordinaire (le méconnaissable). A la fois sujet et objet, protagoniste et matériau, actif et passif, le corps devient une entité abstraite, anonyme et infiniment flexible, simple sujet livré à une démonstration objective.



Avant sa mort (en 1993), Absalon envisageait de répartir ses six Prototypes d'habitation dans six villes différentes du monde. Il souhaitait en implanter une dans chaque métropole qui représentait pour lui un centre d'intérêt artistique, notamment Paris, Tel Aviv, Francfort et Zurich. Plus proches de la tente et de la caravane que de la maison traditionnelle, ces cellules lui auraient permis de changer de lieu sans véritablement changer d'espace. La domesticité incarnée ici n'est pas sédentaire mais alternative et mobile : un questionnement permanent et pertinent sur l'habitat et ses limites.


Cristina Ricupero.