La Barre de Sheffer, 1994
Betacam SP, PAL, couleur, son
La vidéo est construite comme l’enregistrement d’un cours magistral. La captation, assez sommaire, s’est réellement faite en une seule prise. Le caméraman et galeriste de l’artiste de l’époque brandissait des indications horaires sur des bouts de papier pour signifier le temps qui restait sur la bande. Le « professeur », Éric Duyckaerts, se produit devant différents schémas abstraits dont il souligne et entoure des éléments comme dans une situation d’enseignement.
La barre de Scheffer est un signe vertical, une barre utilisée comme un « connecteur logique ». Sa présence entre deux termes vrais ou faux établit une relation qui les réduit à une proposition vraie, à une exception près : lorsqu’ils sont vrais tous les deux. On peut donc la résumer par : « jamais les deux à la fois ». Le psychanalyste Jacques Lacan aurait utilisé la barre de Scheffer dans sa terminologie de représentation des figures psychiques. Elle est un élément réel de la culture qui touche aux mathématiques et à la linguistique à la fois. L’enseignant de la vidéo nous en fait l’historique tout en passant par des notions d’histoire de l’art et de forme, par le biais des différents signes utilisés pour la figurer. Le public habituel de l’art n’a pas l’habitude de suivre un cours de logique ; sa sidération fait partie de l’œuvre, elle signale un déplacement inquiétant, forcément bénéfique et potentiellement hilarant de ses habitudes.
À l’occasion d’une seconde vidéo sur le sujet, en 1997, Pour en finir avec Scheffer, Duyckaerts écrit : « […] Cette courte vidéo porte bien son titre : j’avais envie d’en finir avec ces élucubrations logico-mathématiques et le ton général est expéditif. » [1] Il ajoute en conclusion : « Je ne suis pas sûr qu’on puisse y comprendre grand-chose, mais on aura compris aussi que tel n’était pas le but de cette série de mises en scène du savoir. » [2]
Marie Muracciole
Novembre 2020
[1] Propos de l’artiste, dans Éric Duyckaerts, cat. exp., Dijon, Sète, Fonds régional d'art contemporain de Bourgogne, Centre régional d’art contemporain, 2002, p. 41.
[2] Ibid.