Make-up, 1978

Fichier Apple ProREs HQ 422 (NTSC)


Une femme – Mako Idemitsu – se nettoie le visage puis se maquille devant son image retransmise sur l’écran du poste de télévision qui se trouve face à elle. L’artiste est filmée de dos, les spectateurs ne peuvent donc voir l’action qu’à travers le moniteur vidéo.




Cette vidéo s’inscrit dans la continuité de gestes performatifs filmés par quatre autres artistes femmes.

En 1971, dans Representational Painting, Eleanor Antin, assise de trois quarts face à la caméra, s’observe, en sous vêtement, dans un miroir placé hors champs et se maquille.

Dans Preparation I (1975), l’artiste Leticia Parente se filme cette fois face au miroir de sa salle de bain pendant qu’elle se prépare à sortir. Elle appose sur son visage des bandelettes collantes sur lesquelles elle se dessine une bouche et des yeux. Il s’agit d’un commentaire politique sur ce qui définit la féminité dans ses modes d’interactions sociales au Brésil dans les années 1970.

Dans Art Must Be Beautiful, Artist Must Be Beautiful (1975), Marina Abramovic se coiffe quant à elle avec acharnement face caméra en répétant en boucle la phrase « Art must be beautiful, Artist must be beautiful ».

Enfin, l’artiste Sanja Ivekovic dessine à l’encre noire, dans Instructions N°1 (1976), des flèches sur son visage et son cou face à la caméra. Elle retranscrit ici les schémas véhiculés dans la presse féminine expliquant aux femmes comment appliquer leurs crèmes.

Le cadre est très clair pour chacune des vidéos : les artistes en s’intéressant à la toilette, au soin et au maquillage du visage féminin montrent combien la société et l’industrie de la beauté ont construit et véhiculé des normes de beauté inatteignables pour les femmes.




Les années 1970 sont celles « où le champ artistique croise le mouvement de libération des femmes et s’en inspire » [1]. La performance « fondée sur le corps et sa représentation, son action et sa temporalité, trouve en effet des résonances directes avec les problématiques soulevées par les féministes » [2]. À cette époque, l’outil vidéo sert à la fois à documenter mais aussi à tisser un lien plus direct entre l’action et sa mémorisation. Le corps devient un matériau et les expériences filmiques contribuent à formuler une critique sur la représentation de la femme. Le corps de ces artistes devient leur terrain d’expérimentation. Il se fait, lors de ces performances, corps-outil.




Louise Coquet, 2015




[1] Elvan Zabunyan, « Histoire de l’art contemporain et théories féministes : le tournant de 1970 », Cahiers du Genre, n°43, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 171, https://shs.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2007-2-page-171?lang=fr, consulté le 8 décembre 2025.

[2] Ibid.