My sneakers, 2001

Betacam SP, PAL, couleur, son


Michael Blum réalise My Sneakers, en collaboration avec "Ruangrupa", collectif d'artistes basé à Jakarta. La vidéo débute par un plan sur les chaussures de l'artiste ; il marche pendant qu'une voix off énonce le projet : partir à la recherche des origines de ces baskets Nike pour en savoir plus sur leur histoire, ce qui le conduira en Indonésie, à Jakarta. Il devient rapidement évident qu'il lui sera compliqué de localiser précisément la provenance des chaussures au regard du nombre d'ateliers clandestins qui se sont installés en Indonésie. L'artiste suit les réseaux de fabrication jusqu'à l'usine de production mais rencontre ensuite les plus grandes difficultés pour obtenir ce qu'il appelle son "visa pour Nikeland". L'histoire suit la progression chronologique ; la construction de la vidéo semble tributaire des résultats des recherches, comme si Michael Blum cherchait à ce que le spectateur soit témoin de l'enquête et découvre en même temps que lui certains aspects parmi les plus cyniques du monde capitaliste. Il parvient finalement à localiser l'usine et à interroger les ouvriers. A travers leurs témoignages, il fait apparaître l'organisation du travail : production en continu, fabrication de produits de marques différentes dans une même usine… Grâce aux informations qui lui sont apportées, il reconstitue progressivement l'histoire de ses chaussures. Il se focalise finalement davantage sur le processus de production et porte un regard critique sur l'organisation mondiale du travail. Son enquête, qui partait d'un postulat volontairement naïf, se transforme en réflexion géopolitique sur l'économie globale. A l'instar d'un journal de bord, la vidéo documente les différentes étapes de son voyage. La démarche de l'artiste tient à la fois de la recherche historique et de l'investigation policière. Le dernier plan reprend le plan d'introduction du film, en surimpression avec des véhicules sur la route, en guise de conclusion au voyage. Maintenant que l'objectif de son voyage est réalisé, Michael Blum décide de remettre ses chaussures en circulation. Il les abandonne sur le bord d'une route, en attente d'une seconde vie. En 2010, en écho à My Sneakers, Michael Blum renouvelle la même expérience après avoir acheté des chaussures de la même marque à sa fille dans la vidéo Capri in Tangerang (Her Sneakers). Près de 10 années séparent les deux vidéos réalisées à Jakarta, mais les conditions de travail imposées par les entreprises occidentales sont restées les mêmes.



Priscilia Marques