Tuuli / The Wind, 2001 - 2002
Installation audiovisuelle
3 vidéoprojecteurs, 1 synchroniseur, 5 haut-parleurs,
3 bandes vidéo, PAL, 16/9, couleur, son dolby (Finlandais sous-titré anglais)
L'installation d'Eija-Liisa Ahtila intitulée The Wind est présentée dans un grand espace dont les murs et le sol sont entièrement recouverts d'une teinte de rouge précise choisie par l'artiste. Le spectateur se trouve face à 3 écrans de vidéoprojection de grande taille, installés les uns à côtés des autres. Chaque écran reflète un point de vue différent de la même action. Par ce procédé, le spectateur reste dynamique car il est contraint à faire en permanence lui-même le choix de l'écran qu'il regarde. Ahtila mène en 2000 une série d'entretiens avec 7 jeunes femmes atteintes chacune de pathologies mentales différentes. De ce matériel documentaire, elle tire 5 personnages fictionnels qu'elle met en scène dans plusieurs œuvres : en 2001, The Present, installation de 5 vidéos de 2 min chacune, et en 2002, Love is a treasure, film de 55 minutes et 2 installations vidéo de 14 minutes chacune : The House et The Wind. The Wind se penche sur la psychose de Susana, jeune femme d'origine finlandaise et interprétée par Marjaana Kuusniemi. Dans son appartement jonché d'objets, Susana succombe peu à peu à ses démons intérieurs : paranoïa vis à vis du monde extérieur, angoisse, dysmorphophobie. Ces sentiments se répercutent de manière physique sur l'héroïne : elle se ronge compulsivement les ongles, pleure, se mord les mains pour se donner l'illusion de contrôler sa colère et détruit les objets qui l'entoure. Des personnages extérieurs, réels ou fantasmés, interviennent dans cet univers clos : un jeune homme entre, exécute des actions absurdes et finit par refuser les avances de Susana. Un groupe de jeunes filles agressives envahit le séjour. Le spectateur est amené à douter de la réalité de ses protagonistes : ne sont-ils pas des réminiscences de la vie passée de Susana ? Aux courts dialogues avec le jeune homme, succède un long monologue intérieur, concrétisé par la voix off de Susana. Ce monologue intérieur permet alors de donner une consistance au flux incontrôlable de la conscience de la jeune fille. Un vent violent dévaste peu à peu l'appartement de la jeune fille, il agit comme la métaphore de la folie qui gagne peu à peu son esprit. Aucun indice n'est donné sur sa provenance : la fenêtre n'est pas ouverte et le ventilateur installé au coin de la pièce ne pourrait produire un tel désordre. Susana se comporte de manière de plus en plus singulière et finit par grimper le long du mur de sa chambre et prendre une position de gargouille. La réalisatrice introduit une action fantastique dans le monde réaliste de Susana, comme si elle symbolisait le moment de son passage dans le monde de la folie. Eija-Liisa Ahtila induit une adéquation entre les mécanismes de la psychose de Susana et la narration de son histoire : elle joue sur les ruptures chronologiques, les répétitions de certaines scènes, l'incertitude quant à la réalité des personnages. Elle veut faire ressentir au spectateur de manière émotionnelle le processus de dégradation mentale d'une personne psychotique.
Laetitia Rouiller