NEW SKIN, 2001
Installation audiovisuelle
4 écrans elliptiques, 4 vidéoprojecteurs, 1 synchroniseur, 8 haut-parleurs,
2 bandes vidéo, PAL, couleur, son quadriphonique (anglais sous-titré français),
Production du Service Nouveaux Médias, MNAM, Centre Pompidou
New Skin a été produite par le Centre Pompidou dans le cadre de Sonic Process, exposition qui étudiait les rapports entre les arts sonores et les arts visuels. A cette occasion, Doug Aitken a réalisé une installation qui explore de manière fictionnelle le rapport entre nos sens de la vue et de l'ouïe et sa conception à la mémoire.
Au centre d'une pièce sombre, sont suspendus deux écrans de forme ellipsoïdales, placés de manière à former une croix, l'image étant visible d'un côté comme de l'autre de chaque écran. Cette multiplication d'écrans permet à Doug Aitken de présenter au visiteur quatre écrans recto verso, visibles partout dans la salle d'exposition, le visiteur étant invité à faire le tour du dispositif. La bande sonore est diffusée selon une technique spécifique, le système surround, qui est défini comme un procédé d'amélioration de la reproduction sonore, selon plusieurs sources reparties dans l'espace.
La vidéo débute par un gros plan sur un compteur digital qui tourne à rebours. Entre alors en scène une jeune femme asiatique, dans son appartement à Tokyo, personnage qui restera anonyme. Elle est assise au centre d'une pièce remplie de magazines, de livres et d'objets. Elle s'exprime par le biais d'une voix off (voix que l'on entend sans voir le narrateur bouger les lèvres). La jeune femme nous explique qu'elle perd petit à petit la vue et cherche à se remplir d'images avant qu'il ne soit trop tard. Elle consulte frénétiquement les archives qu'elle a constituées dans son univers intérieur.
Une phrase clé ponctue son discours : "The more I see, the less I believe in the images I find" (traduction : plus je vois des images, et moins je crois en celles que je trouve). La perspective de sa cécité prochaine pousse l'héroïne de la vidéo à rechercher sans cesse de nouvelles informations mais cet appétit de connaissance lui fait perdre une partie de sa mémoire. Doug Aitken exprime par ce paradoxe la manière non linéaire dont fonctionne la mémoire, ne pouvant assimiler à l'infini de nouvelles données.
Au fur et à mesure, le montage de la bande vidéo évolue : la cadence d'enchaînement des plans augmente. Les longs plans tournant autour de la jeune fille se transforment en des séquences plus courtes, (sur des paysages industriels nocturnes par exemple), entrecoupées d'images du compteur digital du début de la bande. Cette accélération rappelle l'inéluctabilité de la disparition de la vue de l'héroïne.
Doug Aikten introduit progressivement des effets vidéos : arrêt sur image, incrustation d'objets à l'écran, apparition et disparition des certaines parties du plan, division de l'écran en plusieurs parties (split screen). Par exemple, un vélo dans une rue déserte disparaît peu à peu de l'écran ou encore la jeune femme voit son image s'évanouir dans le reflet du miroir. Ces effets induisent la déliquescence de l'univers du personnage principal et l'acculent dans un espace de plus en plus petit.
Le monologue de la narratrice est doublé par une musique, qui se fait plus présente en même temps que les images se complexifient. A l'instar de la jeune femme asiatique, notre sens de l'ouïe est sollicité de manière croissante par cette musique onirique. Doug Aitken superpose aussi les effets sonores aux effets visuels. Alors que la jeune femme se restaure autour d'une table avec des amis, ceux ci disparaissent un à un et leur conversation s'estompe au point de se transformer en bruit de fond.
Au terme de New Skin, le compteur digital termine sa course sur zéro et la vidéo recommence une nouvelle boucle. Doug Aitken tente de faire vivre au visiteur une expérience subjective de la détérioration du système optique.
Laetitia Rouiller