The Staircase (Staircase & Universe), 1998

2 vidéoprojecteurs, 2 haut-parleurs,
2 bandes vidéo, PAL, couleur, son stéréo,


The Staircase est une installation réalisée en 1998 par Peter Land et qui se compose de deux vidéo-projections sur écrans blancs présentées de part et d'autre d'un espace sombre, aux dimensions variables et de préférence peint dans un bleu profond.


La première projection s'intitule "L'Univers" et représente un champs d' étoiles dans lequel le spectateur a l'impression d'avancer. Ces images sont générées par ordinateur et rappellent certains génériques de films de science fiction. Le rythme de défilement est lent, ce qui donne un aspect contemplatif à la vidéo.


La seconde projection a pour titre "The Staircase", nom de l'installation, que l'on traduit par la cage d'escalier. Un personnage masculin, vêtu de façon conventionnelle (pantalon noir, chemise blanche et veste marron) enchaîne une série de chute dans un escalier. A l'instar d'un Sisyphe des temps modernes et au lieu de remonter éternellement son rocher en haut d'une montagne, un homme tombe sans fin dans un escalier, prisonnier d'un mouvement perpétuel.


Cette impression d'infini est induite principalement par le montage, qui alterne plans en plongée et en contre plongée, plans larges et serrés. En utilisant plusieurs chutes filmées à la suite, Peter Land parvient à faire éprouver par son montage, la sensation d'une cascade unique et sans fin.


De plus, l'utilisation du ralenti accentue l'idée d'une apesanteur, renvoyant le personnage principal dans un univers dont les lois de la physique ne seraient pas les nôtres.


La bande sonore de l'installation rappelle la musique des fêtes foraines et du son d'un orgue de barbarie. Ce choix musical introduit une dimension burlesque, voir grotesque à la chute du personnage masculin, en le transformant alors plutôt en attraction de foire.


La chute est le fil conducteur de "The Staircase", elle est présente au sens propre avec la perte d'équilibre constante du personnage et aussi au sens figuré, en tant que représentation métaphorique par la perte des fondements ou des repères personnels. La chute est un des grands ressorts les plus utilisés dans la comédie, notamment au cinéma dans les films de Charlie Chaplin ou Buster Keaton. Traditionnellement, la chute ou l'accident arrivent inexorablement pour provoquer le rire du spectateur.


Avec cette installation, Peter Land efface les prémices fictionnelles utilisés au cinéma pour ne garder que l'effet, c'est à dire la chute. Il la met en boucle et lui donne ainsi un sens plus tragique : que l'homme devient-il si sa vie n'est plus qu'une succession infinie de chutes ? Le corps se trouve pris dans l'engrenage d'une mécanique du burlesque qui le dépasse, à laquelle il ne sait plus échapper.


"Dans la chute, il y a la séparation du corps et de l'esprit, c'est le corps qui reprend le dessus, rappelé à l'ordre du réel, du tangible, de ce qui résiste ou se dérobe " [1]


L'artiste se met en scène dans ses vidéos et fait preuve d'un engagement physique qui donne à ses vidéos des aspects de la performance. En France, l'artiste Pierrick Sorin s'illustre dans des séries de vidéos pouvant être comparer à celle de Peter Land, car le premier se représente aussi dans des saynètes mélangeant à la fois le mode du burlesque et du désespéré.


The Staircase appartient à une série de performances filmées débutées en 1994 où Peter Land s'affiche toujours comme le seul acteur. En 1995, il réalise par exemple Pink Space où, déguisé en crooner ringard, il essaie sans succès de s'asseoir sur une chaise et ne cesse d'en tomber. Avec Stepladder Blues, vidéo de 1996, il est habillé d'une combinaison de peintre et tente de repeindre en blanc une pièce sur fond musical de Wagner mais tombe inlassablement de l'escabeau.


Peter Land nous expose dans cette installation une variation entre la tragédie et l'ironie, entre la recherche du sens de l'existence et la prise de conscience de son absurdité.


"Mon intérêt dans ce travail est la relation entre le personnel et l'universel : le sentiment d'être comme une bactérie essayant de créer et de donner un sens à son existence dans un monde immense et en constante expansion où l'individu peut paraître comme vain." [2]


Laetitia Rouiller


[1] Françoise Parfait, p. 200 in Vidéo : un art contemporain, Editions du Regard, Paris, 2001.
[2] Peter Land in Peter Land, éd. Hatje Cantz, pour l'exposition à la Villa Merkel, Esslingen 2000.