TUAREG, 1999
1 vidéoprojecteur, 4 haut-parleurs, 1 écran de projection translucide, archives filmiques numérisées de 31 " présentées en boucle, PAL, noir et blanc, son, 63 min 45 sec 17 images.
Tuareg interroge les représentations coloniales en même temps que les médiums qui les supportent. Cette installation sonore présente une vitre-écran double face visible depuis deux pièces séparées, dont chacune diffuse un son différent. Une vidéo en boucle de trente secondes montre successivement ce qui semble être une photographie, puis cette même photographie animée, d’un groupe d’enfants berbères filmés dans les années 1930 au Sahara occidental. Cette image d’archives correspond aux conventions du cadrage photographique documentaire classique : répartition hiérarchique des corps, pose frontale tenue, fixité et sérieux des expressions. L’ordre photographique dure sept secondes, remplacé, sans coupure du plan, par un désordre cinématographique où l’on voit les enfants chahuter, changer de place, rire et jouer, jouir de la joie débridée du mouvement. Puis, vingt-sept secondes plus tard, un flou subtil réinstalle la pose photographique et fait prendre conscience au spectateur de l’écart énorme qui sépare la photographie du film. Ce « moment photographique » – comme le désigne Fiona Tan –, extrait du film, se présente alors comme le hors-champ temporel de l’instant photographique, et donne à voir ce qui se passe avant ou après le déclic, qui n’a plus de décisif que son caractère mortifère. Le film est joyeux et plein de vie ; une sorte de grâce se dégage de cette scène où le désordre de l’enfance s’oppose à l’ordre de la loi coloniale, où le désordre du réel contredit l’ordre de la représentation, où le désordre de l’Afrique fantasmée s’affronte à la raison de l’Occident. Le recyclage refonde ici un usage des techniques dans leur pouvoir de représentation.
Françoise Parfait