2001 - A Soundfilm in Eight Acts, 2002

Installation sonore quadriphonique
1 ordinateur, 4 haut-parleurs,
1 DVD-Rom, 1 programme informatique, son quadriphonique, 4 h


Riche d'une expérience mêlant musique contemporaine, électronique, "club" ou extrême-orientale, le compositeur David Shea, qui appartient depuis vingt ans à l'avant-garde musicale new-yorkaise, se réfère aux grands noms de l'histoire musicale du XXe siècle – Xenakis, Scelsi, Cage ou Feldman –, mais s'inspire aussi largement de la littérature, du théâtre et du cinéma. L'un des modèles qu'il cite est Bernard Herrmann, et dès les premières notes de 2001 – A Soundfilm in Eight Acts, on est en effet confronté au caractère cinématographique de la musique. Cet aspect est présent dans le titre même, avec l'assemblage de mots "Soundfilm". Ce terme – littéralement "film de sons" – renvoie immédiatement à un processus visuel, qui suggère cette possibilité de créer des images mentales à partir de la partition que l'on écoute. Les huit actes rappellent les étapes d'un film dont l'évocation serait seulement musicale. Ces actes basculent de l'un à l'autre comme des séquences narratives. La façon dont l'artiste inscrit explicitement cet espace visuel dans sa composition vient aussi du processus qu'il élabore en inversant celui que mettent habituellement en œuvre les compositeurs de musique de films. Tandis que ces derniers travaillent à partir des images filmées, Shea suscite, lui, une interprétation qui sous-entend des images visuelles, alors qu'elles n'existent que sous forme d'"images sonores". Dès l'introduction, le rythme entraînant crée une ambiance de suspense digne des films policiers américains. Répétitif, puis lancinant, le thème est accompagné par une pulsation rapide. Les séquences musicales qui se suivent évoquent différents genres du cinéma populaire : le western (bagarres de cow-boys), le film de guerre (fusillades et voix japonaises), le dessin animé (façon "Tex Avery"). Certaines séquences passent à un rythme plus techno, puis jazzy ou bossa-nova, et alternent avec des moments lyriques rappelant la comédie musicale. Enchaînant notes de piano et bruits d'animaux et d'oiseaux nocturnes, sons féeriques et tonalités inquiétantes, élévations oniriques et voix étouffées, l'artiste transporte littéralement l'auditeur/spectateur dans un monde étrange, où chaque élément de la partition vient nourrir l'image absente – laquelle, paradoxalement, s'en trouve évoquée avec encore plus d'évidence. Son rôle, qu'il affirme être celui d'un "compositeur dans l'œil de la musique", se situe "entre l'improvisation intuitive et l'appropriation par effet d'assemblage". Pour rendre au plus près la sensation du cinéma, David Shea conçoit un dispositif qui reproduit celui de la salle obscure. C'est elle qui induit le mode d'exposition. "La projection de la musique tient à la fois d'une performance et d'une installation en perpétuelle transformation", souligne-t-il. "Les sièges placés devant l'échantillonneur sont entourés par des hautparleurs qui mettent en œuvre une haute technicité de spatialisation sonore. Déployer ces méthodes est l'un des moyens de sonder le matériau sonore, d'entrer en contact avec lui, et ce processus s'accomplit dans le théâtre de notre mémoire, qu'il nous conduit à visiter". C'est précisément à partir des éléments de cette mémoire que 2001 – A Soundfilm in Eight Acts peut se concevoir comme une architecture spatiale et temporelle, une pièce expérimentale en devenir.


Elvan Zabunyan