Mixtape, 2002
Betacam numérique, PAL, couleur, son
Le point de départ de Mixtape est la chanson You're No Good du musicien et compositeur expérimental Terry Riley. Enregistrée en 1967 (mais commercialisée qu'en 2000), You're No Good est un agencement d'une vingtaine de minutes d'un morceau soul des années 1960 samplé.
La vidéo débute par un vrombissement électronique – synthétiseur analogique – dont le volume augmente tandis que la caméra recule sur le visage d'un jeune homme ayant un cierge magique dans la bouche. La caméra s'éloigne dans un effet saccadé, laissant apparaître des oiseaux de proie et des couronnes florales inscrivant "Besht Mate". Alors que la musique arrive à son point de rupture, de la peinture noire coule le long des murs, le tout accompagné d'une pluie de confettis. Ensuite, les scènes s'enchaînent plus rapidement, passant d'une situation à une autre - d'un groupe de jeunes musiciens répétant dans un garage à une employée de Strabucks cachant ses piercings par des pansements bleus, etc. - tandis que le refrain de la chanson originale You're No Good est coupé puis relancé en boucle, créant ainsi un effet de collage visuel et sonore.
Les artistes ont voulu que les images soient construites comme une collection de croquis et de gribouillages. Ils ont commencé par collecter de nombreuses images (dont certaines se trouvent dans Mixtape) mais c'est seulement après avoir entendu la chanson de Terry Riley qu'ils ont imaginé les assembler dans un film. " Nous pensions faire un livre. Mais nous avions déjà plus d'une vingtaine d'idées qui attendaient là […]. Puis, au magasin où je travaillais à ce moment-là, nous pouvions passer notre propre musique. L'un de mes amis est venu avec ce CD [You're No Good] qu'il avait emprunté, et nous l'avons joué très fort. Et j'ai commencé à avoir des idées. […] J'ai commencé par voir ces images dans un livre. Je pouvais les imaginer coupées dans le morceau de musique. [1]"
Associant des images issues de la 'youth culture' – du rastafari [2] aux groupes de jeunes dansant dans les rues en passant le graffeur préparant ses bombes – à une bande son entêtante, Nick Relph et Oliver Payne voulaient : " épuiser le spectateur – heurter ses yeux et le rendre nauséeux – tout en rendant l'expérience agréable. " [3]
Ainsi, en s'inspirant d'images de la vie quotidienne urbaine, Mixtape est un hommage à la subculture, à la musique, au graffiti, et à la danse.
L'insistance sur ces sujets fait référence au film de Mark Leckey Fiorucci Made Me Harcore (1999), documentaire qui traite de l'éveil de la culture underground de la danse en Angleterre, tout en reflétant la perte collective de l'innocence de cette jeune génération.
Géraldine Mercier
[1] “We were thinking about doing a book. But essentially we just had twenty or so ideas that were kicking around […]. Then, at the shop where I was working at the time, we got to play our own music. And a friend came in with that CD that he(s borrowed, and just played that, really loud. And I started getting ideas. […] we were thinking about about doing in a book. I could see them cut to this piece.” Andreas Kroksnes, Hans Ulrich Obrist [eds.], Taschen : Oliver Payne & Nick Relph, Oslo, Kerber Verlag, 2004, [s.p].
[2] Selon les artistes, la figure du vieil homme avec un marteau est un hommage à légende du reggae, Lee Perry qui rampe à travers Kingston, en Jamaïque, les genoux au sol, tentant de chasser Satan de la Terre en frappant le sol avec un marteau, qu'ils ont transposé dans le quartier londonien de Chiswick.
[3] “In Mixtape we wanted to exhaust people – hurt their eyes and make them feel a little sick – but make the experience enjoyable”. Idem, Taschen : Oliver Payne & Nick Relph…, [s.p.].