Barbed Hula, 2001

1 vidéoprojecteur, 2 haut-parleurs, 1 béta SP, PAL, couleur, son, diffusée sous forme de fichier numérique


Sur un mur, dans une salle sombre, est projetée, en 320 cm sur 240 cm, une boucle vidéo d'une femme nue dansant le Hula hoop. Le dispositif d'installation est simple, misant sur l'impact du format de l'image lumineuse dans un espace obscur. Le cadrage coupe la tête et les pieds focalisant sur les hanches qui ondulent devant un bord de mer. Rapidement des traces apparaissent sur le corps. A chaque coup de hanche, la chair nue est violemment abîmée par le cerceau, réalisé en fil de fer barbelé. La vulnérabilité de la nudité rend la vision d'autant plus douloureuse. Un léger ralenti intensifie l'impact du cerceau sur la chair. Le public fait face à un spectacle à la fois innocent et révoltant. Le film montre Sigalit Landau en train d'exécuter cette performance sur la plage méridionale de Tel Aviv, au lever du soleil. L'image cadre le corps avec la ligne d'horizon de la mer en fond. La scène a des aspects idylliques pour le calme de la mer et le jeu à la fois séduisant et ludique. La violence n'en apparaît que plus grande, cassant la fraîcheur du Hula hoop, et la sensation de liberté de la mer. Et c'est bien de liberté dont il s'agit. La mer est une frontière naturelle, et en particulier la Méditerranée pour l'Israël. Le barbelé est une limite agressive, évoquant la prison aussi bien que la frontière. L'innocence est prise au piège. Symbole à la fois culturel et géographique, le barbelé emprisonne le corps, métaphore de l'enfermement du corps politique. Le corps exécute cette danse à la fois enfantine et lascive, sans réagir à la douleur. Pour l'artiste, "la souffrance est évacuée par la vitesse et celle-ci est un bouclier ; alors que le spectateur reconnaît cette souffrance même si les piquants du barbelé sont tournés à l'extérieur". Le rythme entraîne la danseuse dans l'oubli d'elle-même. L'oubli est le moteur de la performance, mais plus généralement l'oubli n'est-il pas une condition de la vie humaine ? Ici, cette insouciance laisse des séquelles. Le conflit persistant au Proche Prient forme des générations de Palestiniens et Israéliens, élevés dans des conditions douloureuses. Dans cette performance, l'expérience corporelle renvoie à cette situation d'enfant de la guerre et du terrorisme. Ce cercle de violence est le quotidien de ces pays, qui pourtant continuent leur vie quotidienne, avec des moments de légèreté pour dépasser les tragédies. Le dénuement de la vidéo empêche l'identification personnelle et géographique, pour rejoindre une situation plus universelle. La mise en boucle de la séquence empêche tout répit face à cette violence, tout comme la guerre. Dans cette auto-agression, ce sont les conditions de vie de toutes les populations qui vivent des conflits qui sont représentées. Concernant son travail en général, l'artiste dit "mon travail est envahi de réalités concrètes dérangeantes. Je sens ou respire les conditions du monde, et puis je danse avec." Cette invitation à la danse suscite des réflexions douloureuses.


Patricia Maincent