Bird, 2000
Bande vidéo betacam SP PAL numérisée
4/3, noir et blanc, silencieux
3 min 05 s (en boucle)
Sonia Khurana a réalisé Bird en 1999 dans le cadre de son diplôme au Royal College of Arts de Londres. Dans cette courte vidéo en noir et blanc l'artiste se tient nue sur un socle, métaphore d'un perchoir duquel elle tente de s'envoler. Elle se met sur la pointe des pieds, cherche l'équilibre, tente de battre des ailes, s'élance et retombe invariablement au sol. Le montage et l'instabilité de la caméra qui suit de près le corps de l'artiste renforcent l'impression de mouvement. Il ressort de ce bricolage de graphisme et de vidéo une impression de dérision, voire de dérisoire, tant il semble improbable que ce corps s'envole comme l'oiseau auquel le titre fait référence. Sonia Khurana est née en 1968 en Inde, elle travaille actuellement à New Dehli sur de nombreux supports tels que la vidéo, la photo, le texte, l'installation et par des rencontres avec le public. Les thématiques abordées à travers la performance de son propre corps sont celles de l'intériorité et de l'identité. Elle se concentre ainsi sur l'expérience et non sur la représentation. Si elle a présenté Bird à Londres pour son diplôme, Sonia Khurana souhaitait avant tout montrer son travail en Inde, là où le message de cette courte vidéo prend toute son ampleur. En tentant de s'envoler l'artiste veut montrer qu'il est difficile d'échapper à sa propre condition. Au sens propre: le corps se confronte à sa propre chair et à la loi de la gravité; comme au sens figuré: il est difficile pour une femme d'échapper aux règles que la société lui impose. Bird produit donc une critique de la condition de la femme, montrant à la fois l'oppression et la violence faite aux femmes, ainsi que l'impossibilité de se défaire d'une identité féminine prédéfinie par la société patriarcale. De plus, le fait de montrer un corps féminin nu non conforme aux canons de beauté (notamment de minceur) a été ressenti comme une provocation dans son pays d'origine. L'artiste y a été accusée de pornographie pour avoir montré l'obscénité d'un corps hors de la norme. En Europe la réception de ce travail a été bien différente et lui a permis de s'imposer comme partie intégrante de la génération montante d'artistes indiens. Après avoir passé deux ans à la Rijksakademie d'Amsterdam, elle a été exposée en Europe, aux Etats-Unis lors de l'exposition Global Feminisms à Brooklyn en 2007, au Centre Pompidou en 2010 dans le cadre de l'exposition elles@centrepompidou. Elle a également organisé des workshops au Cameroun. Sonia Khurana se situe dans la lignée des artistes femmes travaillant sur leurs propres corps pour mieux questionner la question de la différence sexuelle ainsi que les représentations de la féminité.
Diane-Sophie Girin