Radical Software
Fondée à New-York en 1970 par les artistes Beryl Korot et Phyllis Gershuny, avec l’aide d’Ira Schneider, Radical Software est une revue pionnière dans le domaine de la vidéo. Son histoire est intimement liée à celle du collectif Raindance [1] – créé par Frank Gillette, Michael Shamberg, Louis Jaffe et Marco Vassi – qui assure la publication de la revue, et dont les membres seront des contributeurs réguliers [2].


Conçue sous le titre de travail The Video Newsletter, Radical Software se veut, selon son premier éditorial, « une source d’information qui réunirait les personnes qui produisaient déjà leur propre télévision [3] ». Bien que quelques articles abordent sporadiquement des questions liées au développement de l’ordinateur, le mot software n’est ici pas à comprendre dans son sens contemporain de programme informatique, mais, par opposition au hardware, comme le contenu produit et lu par un équipement technologique – ici majoritairement les données enregistrées sur bande vidéo [4].


Les questions du rôle des médias et de leur impact social sont au cœur de Radical Software, comme celles de la production et de la diffusion alternative de contenus. En lien avec ces préoccupations, les publications de la revue s’approchent volontiers des domaines de l’écologie, de la biologie, de la psychologie ou de l’éducation. Si son objectif premier n’est pas de traiter d’art vidéo au sens strict du terme, celui-ci y occupe une place importante, avec les contributions des membres originaux de Raindance mais également par le biais d’articles par ou sur de nombreuses figures tutélaires de la discipline : Nam June Paik, Ant Farm, Shirley Clarke, Juan Downey, Eric Siegel ou encore Gene Youngblood. Nourrie de nombreux retours d’expérience, disposant d’une section « Feedback » destinée aux envois des lecteurs ainsi que d’un annuaire regroupant de nombreux artistes et collectifs, Radical Software joue effectivement un rôle d’espace de ressources et d’échanges pour les pratiquants de cette jeune discipline. Malgré son titre, la revue consacre en outre de nombreux articles aux questions de hardware : conseils pratiques, états des lieux du marché, description des nouveautés en matière de technologies de captation et de diffusion.


Au cours de son évolution, certains numéros seront délégués à d’autres collectifs vidéo, du Canada ou de la côte Ouest notamment, qui permettront de soulager l’équipe éditoriale tout en élargissant les horizons de la publication. Les activités de la revue seront également doublées d’expériences dans le domaine de la distribution, Raindance commercialisant des bandes via la publication, et proposant également à ses lecteurs un système d’échange, leur permettant de recevoir les productions du collectif contre l’envoi des leurs.


Radical Software publie son onzième et dernier numéro au printemps 1974 [5] : si Phyllis Gershuny avait quitté la revue dès son troisième numéro, ce ne sera pas la dernière collaboration entre Beryl Korot et Ira Schneider, qui publieront deux ans plus tard l’ouvrage Video Art : An Anthology. En 2003, la fondation Daniel Langlois, Davidson Gigliotti et Ira Schneider dédie un site internet à Radical Software, regroupant l’ensemble des publications – publiées dès l’origine sous copyleft – augmentées d’un outil de recherche, d’une histoire de la revue et d’une description de chaque numéro [6]. Un autre jalon historiographique sera franchi en 2017, par l’exposition que le ZKM consacre aux artistes de la Raindance Foundation et à Radical Software [7].



Philippe Bettinelli



[1] Avec, à partir de sa cinquième parution, le soutien de l’éditeur Gordon and Breach.
[2] Michael Shamberg sera notamment présenté comme éditeur du premier numéro. Les figures de Paul Ryan, Dean et Dudley Evenson méritent également d’être citées : pour plus de détail, voir Davidson Gigliotti, A Brief History of Raindance, disponible à l’URL suivante : https://www.radicalsoftware.org/e/history.html
[3] Radical Software, n°1, 1970, éditorial non signé, non paginé, disponible à l’URL suivante : https://www.radicalsoftware.org/volume1nr1/pdf/VOLUME1NR1_0002.pdf
[4] L’année de la parution du premier numéro coïncide avec l’exposition « Software », qui s’est tenue au Jewish Museum, témoignant d’une relative popularité du terme.  
[5] Douzième en comptant le livre Guerilla Television, considéré comme le n°6 par les éditeurs.
[6] https://www.radicalsoftware.org/
[7] « Radical Software. The Raindance Foundation, Media Ecology and Video Art », du premier juillet 2017 au 28 janvier 2018, ZKM, Karlsruhe.